Victor Pouchet : "La poésie se nourrit de chips et d’existence"

Professeur agrégé de lettres, écrivain et poète, Victor Pouchet est aussi l'un des conseillers artistiques de la Maison de la Poésie à Paris. Auteur de plusieurs livres pour enfants, des romans Pourquoi les oiseaux meurent et Autoportrait en chevreuil et du roman-poème La grande aventure, préfacé par Hervé Le Tellier, il vient de faire paraître chez Gallimard un objet pesant 284 grammes. Un nouveau roman-poème intitulé L'option légère. À l’intérieur, 111 poèmes en hexamètres et en octosyllabes, narrant l'ambition romantique et transcendantale d'un trentenaire voulant retrouver la femme qu'il aime, mettre en ordre le monde et composer le poème définitif. Une histoire d'amour, d'inquiétude et de joie entre la Corse et Paris.

Un lien secret avec les chevreuils

Dans son œuvre, Victor Pouchet fait un autoportrait du bestiaire en le racontant à travers des histoires d'animaux, comme avec Autoportrait en chevreuil dans lequel on se plonge dans l'âme d'Elias, moqué, car il est le fils d'un magnétiseur considéré comme fou et qui a décrété, après une séance d'hypnose chamanique, que l'animal totémique de son fils était le chevreuil : « J’ai l’impression d’être le double du chevreuil et d’avoir un lien secret avec cet animal. J’en vois régulièrement. Quand je prends le train, il y a des chevreuils qui apparaissent à ma fenêtre. Pour moi, le chevreuil, c’est la grâce incarnée. Il a cette capacité à sauter, à fuir, à résister au regard aussi, qui le rend d'autant plus précieux. »

Etre en fuite

Avec son premier roman, Victor Pouchet considère que c’était la première fois qu’il allait au bout de quelque chose : « Je commençais des tas de romans, de textes ; j’avais abandonné ma thèse, et j'avais une sorte de comportement velléitaire. J'avais aussi abandonné plein d’histoires d'amour. Et mon roman "Pourquoi les hommes meurent", c’est vraiment la chose importante au bout de laquelle je suis allée. Je pense qu'on est tous un peu dans cet état de fuite, on trouve des façons d'être présent et de s'absenter, comme des chevreuils. »

Sa fascination pour les animaux

Victor Pouchet a collecté des informations sur différents animaux et bactéries jusqu'à ce qu’il tombe sur une information qui va déclencher l'écriture de son premier roman, les chutes d'oiseaux morts dans le Colorado, en Suède et sur l'île de La Réunion. Les animaux sont un thème central de son œuvre : « Les animaux sont à la fois des êtres extrêmement loin de nous, mais dans cette distance et cet exotisme, j'ai l'impression qu'on peut s'y retrouver. J'ai trouvé chez eux, et en particulier chez les oiseaux quelque chose qui m'intriguait très fortement. Pendant des mois, je n'ai lu que sur les animaux vivants ou morts et j'ai écrit ce livre pour savoir pourquoi ça m'intriguait. Pour moi, il y a quelque chose qui résiste à la compréhension chez l'animal, et qui a une forme de puissance. Je pense toujours au fait que dès la Préhistoire déjà, on peignait des animaux sur les parois des grottes, et que sans doute, il y avait déjà une fascination pour ces figures animales et des manières de se projeter en eux. »

La poésie, encore trop sérieuse ?

Victor Pouchet n’aime pas la façon dont on a réservé la poésie à une élite. Il évoque dans son livre l'époque des poètes qui se croyaient prophètes. Ils citent Ronsard et Hugo dont l'exaltation le transporte mais qu’on n'oserait plus écrire aujourd'hui : « J'aime cette forme de ridicule assumée. Le sérieux est encore très puissant aujourd'hui, il suffit de regarder un peu le monde culturel. La vie et la littérature sont prises très au sérieux, mais c'est un exercice pour tous de réussir à ne pas se prendre pour quelqu'un qui a une haute parole. Mais j’aime aussi les poètes qui s'autorisent le lyrisme, la parole puissante, la déclaration, et même la grandiloquence ridicule. Il y a quelque chose de beau lorsqu'on se met à parler un peu plus haut que la parole habituelle et la conversation courante. »

La poésie, c’est faire chanter son inquiétude

La poésie permet à Victor Pouchet d’aller vers une sorte d’enfance qui lui permet l'émerveillement, le jeu et surtout un regard plus tranquille sur l’existence : « Les poèmes me servent aussi à ça. Je suis, comme tout le monde, pris par les inquiétudes. J'ai l'impression que les choses résistent, le fait de les formuler en poème, des émotions aussi variées qu'elles soient, même contradictoires parfois, me permet d'avoir un moment où je fais quelque chose de ces émotions et du coup ça chante un peu. Faire chanter son inquiétude, c'est une façon d'y échapper et de l'alléger. »

Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

Extraits diffusés :
En souvenir de Bernard Pivot disparu ce lundi 6 mai 2024, nous diffusons en début d'émission un extrait du journaliste d'Apostrophes au micro du producteur Vincent Josse sur France Inter en 2010.
Nous diffusons également Georges Perros dans le documentaire Une vie ordinaire de Paul-André Picton en 1971. Nous entendons Manhã de Carnaval de João Gilberto et un extrait du morceau Le roi Renaud de guerre revient d'Yves Montand. Enfin, nous pouvons entendre une archive du Tour de France.

Choix musical de l'invité :
Mathieu Boogaerts – Once Again

Découverte de l'invité :
Victor Pouchet conseille l'ouvrage de Pierre Zaoui, Beautés de l'éphémère : Apologie des bulles de savon.

Programmation musicale :
- Eloi – Comme un animal
- Blick Bassy & RY X – Mbondi